Le fabuleux destin de Simone-Thérèse Demangel.


Vidéo. Durant la seconde guerre mondiale, la montpelliéraine entre en résistance contre le gouvernement de Vichy puis contre l’invasion allemande de la  zone sud. Animée par un refus viscéral de l’injustice et de l’occupation, elle est l’une des nombreuses femmes résistantes, longtemps restées dans l’ombre, qui ont risqué leur vie pour la liberté.


Mon nom de guerre: c’était Pauline. On ne connaissait pas grand monde dans la résistance vous savez, en cas d’arrestation on risquait de flancher sous la torture alors moins on connaissait de monde, mieux c’était.

La voix de Simone-Thérèse Demangel défile sur une bande enregistrée il y a une trentaine d’années.

Le document sonore est conservé aux archives départementales Pierre-Vives .

Lorsque la guerre éclate, son mari Robert Demangel est directeur de l’Ecole française d’Athènes (1936-1950).

Simone-Thérèse élève seule ses trois filles à Montpellier. Elle est infirmière et suit en parallèle des cours de médecine à la faculté.

Elle interrompra bientôt ses études pour prendre le maquis.

Son histoire est présente un peu partout dans les pièces du château d’Assas (Hérault)  où sa famille vit depuis 3 générations.

Ses descendants, gardent précieusement, sous verre, sa légion d’honneur, sa croix de guerre et  sa médaille de la résistance.

A l’occasion de notre venue, sa fille Marie-Claire, 90 ans aujourd’hui, éparpille délicatement des photos sur la grande table du salon. 

“Cela m’émeut de remuer tout ça.”

En 1940 Marie-Claire était adolescente. Elle vivait à Montpellier avec ses deux soeurs et leur mère déjà très active au sein de la résistance.

L’immense majorité de la population est alors, très majoritairement, sympathisante du régime de Vichy. A la maison, les jeunes filles évoluent dans une toute autre atmosphère.

” Il y avait des vas et viens à la maison, quand quelqu’un sonnait et demandait “Pauline”, on savait qu’ils étaient envoyés clandestinement” se remémore Marie-Claire Demangel.

Dans le plus grand secret, leur mère cache des réfugiés anti-nazis dont beaucoup de familles juives, et des réfugiés voulant échapper au travail obligatoire en Allemagne.

Avec la complicité d’un fonctionnaire, elle fabrique de faux papiers pour les faire passer en Espagne.

Sur la bande sonore, Simone-Thérèse Demangel raconte :

“On avait dérobé des tampons officiels à la mairie de Montpellier. On déclarait les lieux de naissance dans des villes ou villages dont les archives municipales avaient été détruites. Ainsi personne ne pouvait vérifier”.

Marie-Claire nous mène au premier étage du château, elle ouvre l’un des tiroirs de son lit d’enfant qu’elle a gardé.

 “C’est ici que les tampons étaient dissimulés, ma mère pensait que la gestapo ne songerait jamais à fouiller dans un lit de petite fille.” nous dit -elle en souriant.

La nuit, lorsque les trains font halte en gare de Montpellier, avec d’autres résistants de la ville Simone Demangel  distribue des vivres de nuit, “à la volée”, aux prisonniers-déportés entassés dans les fourgons à bestiaux.

A cette époque là,  les allemands multiplient les rafles en zone sud, enferment juifs, tsiganes, prisonniers politiques dans les camps “d’internements” de la région, notamment au camps de Rivesaltes et d’Argelès.

Des prisonniers déportés, dès l’été 1942, à Drancy, centre de transit de la déportation des Juifs de France.

Fin 43 Simone-Thérèse Demangel est démasquée. La gestapo la recherche activement. Elle est alertée par l’un de ses amis fonctionnaires. Elle envoie aussitôt ses filles chez leurs grands-parents à Paris et rejoint un maquis dans le secteur de Lodève, le maquis Léon un petit réseau très actif.

 ” J’ai appris que les allemands me recherchaient, j’ai vite mis mes enfants à l’abri et je suis partie à Lodève jusqu’à la libération” raconte “Pauline” sur la bande sonore.

(historien Berriot) « une phrase « 

“Pauline” devient agente de liaison entre Montpellier et Clermont-l’Hérault. Elle joue un rôle de « facteur », transporte des instructions des chefs de réseaux cachées dans le guidon de sa bicyclette.

En cas d’arrestation, c’est la déportation assurée.

On ignore combien de familles son action dans la résistance a permis de sauver.

Tom, lui, a remonté l’histoire et retrouvé la trace de Simone Demangel .

Il est né aux Etats-Unis. Il est beaucoup trop jeune pour avoir connu la guerre mais son père et ses grands-parents -des juifs autrichiens établis à Clermont-l’Hérault à l’époque- ont échappé à la déportation et à la mort grâce à « Pauline ».

La résistante a fourni des faux papiers à toute la famille, puis les a aidé à fuir de l’autre côté de l’Atlantique.

 C’est incroyable de penser qu’une seule personne peut autant changer le cours des choses. On nous a toujours dit qu’une seule personne pouvait changer le monde mais combien de fois on le vérifie vraiment?

Si  votre maman n’avait pas été là, je n’existerai pas” explique Tom à Marie-Claire à qui il est venu rendre visite.

A la libération, Simone-Thérèse Demangel deviendra l’une des toutes premières femmes à entrer au Conseil municipal de Montpellier, au côté notamment de Laure Moulin, la soeur de Jean Moulin.

Elle militera pour l’instauration du vote des femmes, créera l’association “Le Nid” à Montpellier qui recueille, aujourd’hui encore, les prostituées.

Elle s’investira aussi  auprès des plus démunis et fera venir l’Abbé Pierre pour créer les Compagnons d’Emmaüs à Montpellier.

Passionnée de musique, elle devient à la fin de sa vie, au château d’Assas, la protectrice du claveciniste américain Scott Ross.

Simone Demangel disparaît à 92 ans, le 8 mars 1995, le jour de la journée mondiale de la Femme.  

Aujourd’hui, une maison de retraite, porte son nom  à Montpellier.